Alors que l’Alliance des États du Sahel (AES) continue de préoccuper non seulement la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, mais l’Afrique dans son ensemble, et que nous analysons son avenir politique et économique, il est important de savoir ce qu’il advient de 50 % de sa population.
Où sont les femmes dans les pays de l’AES et qu’en est-il de l’égalité, de l’équité et de la justice pour les femmes dans le cadre de ces transitions ? Peu d’informations sont actuellement disponibles pour l’analyse.
Les questions clés suivantes peuvent servir à collecter des données, à interagir avec les principales parties prenantes dans les pays de l’AES et peut-être à façonner des activités, des projets et des programmes en faveur des droits des femmes.
1. Présence dans la prise de décision.
Les femmes font-elles partie des organes qui prennent les décisions concernant les transitions?
Dans les trois pays de l’AES, les femmes font partie du “Conseil National de la Transition” qui fait office de parlement de transition. Selon les pays, cette représentation est restée la même ou s’est légèrement améliorée après les coups d’Etat. Cependant, aucun CNT n’a de femme dirigeante au premier plan. La communication publique de l’Etat dans tous les pays de l’AES est symboliquement et substantiellement masculine.
Le Burkina et le Niger ont supprimé leurs ministères de la condition féminine et ne semblent pas les avoir remplacés par un organe spécifique au niveau de la prise de décision nationale. Au Mali, ce ministère reste actif. Cependant, son influence sur la prise de décision au niveau national n’est pas claire.
Étant donné que tous ces gouvernements de transition se décrivent comme “révolutionnaires et panafricanistes”, il est possible d’attirer leur attention sur la nécessité d’intégrer les femmes dans le processus décisionnel national et de les considérer comme partie intégrante de l’État, afin que les transitions reflètent les personnes au service desquelles elles sont censées être.
Il s’agit là d’un point qui pourrait être soulevé lors des discussions au niveau ministériel et présidentiel.
2. Les femmes dans l’armée.
Comment les femmes sont-elles positionnées dans les armées de l'AES et quel est leur pouvoir?
Dans tous les pays de l’AES, l’armée est au pouvoir. Dans l’immédiat, elle est l’acteur le plus important qui détermine l’avenir de la nation. Si les femmes sont présentes dans toutes les armées des pays de l’AES, aucune n’apparaît dans la junte au pouvoir qui prend actuellement toutes les décisions importantes concernant les pays. La décision de quitter la CEDEAO, par exemple, ne semble pas avoir été prise par les quelque 35 millions de femmes vivant dans les pays de l’AES.
Les femmes au sein de l’armée peuvent constituer un point d’entrée pour la discussion sur l’inclusion, en particulier si elles peuvent renforcer leur action et mener la discussion sur l’inclusion dans son ensemble au cours de ces transitions.
3. Les femmes dans le conflit.
Quelle est la situation des femmes dans le contexte actuel d'insécurité et comment les questions
qui leur sont spécifiques sont-elles traitées?
Tous les pays de l’AES ont défini la sécurité comme leur objectif prioritaire. Il existe un consensus sur la nécessité pour ces pays de sécuriser leur territoire national et de mettre fin aux groupes armés. Cependant, il existe également un consensus sur le fait que dans les situations de violence et de conflit, les femmes sont particulièrement vulnérables. Des violations des droits de l’homme et des violences fondées sur le genre ont été signalées dans tous les pays de l’AES, perpétrées par des groupes armés non étatiques, mais aussi par les forces armées nationales.
Tous les gouvernements militaires ont nié les actes répréhensibles et les violations des droits par leurs armées. Non seulement, cela aggrave l’injustice pour les femmes victimes, mais cela laisse les auteurs libres de continuer à commettre des crimes et accroît l’insécurité pour les femmes.
Travailler sur les violences sexuelles et sexistes parmi les personnes déplacées à l’intérieur du pays et engager l’armée sur cette question peut être un point d’entrée pour le travail sur les violations des droits par les forces armées régulières.
4. Les femmes dans l’agenda de la transition.
Comment l'égalité, l'équité et la justice pour les femmes sont-elles abordées dans les réformes
de transition?
Tous les pays de l’AES sont en transition et réforment leurs lois, leurs institutions et leurs systèmes. Étant donné qu’il existe très peu de possibilités pour les femmes de faire entendre leur voix et peu de canaux de consultation ou de concertation, il est difficile de savoir comment les questions spécifiques concernant les femmes sont abordées dans les réformes de transition en cours.
Au Burkina et au Niger, où les ministères de la femme n’existent plus, on ne sait pas exactement quels mécanismes les gouvernements de transition utilisent pour obtenir l’expertise en matière de genre et de droits des femmes qui est nécessaire pour contribuer à ces réformes.
Ce domaine peut être l’un des canaux les plus accessibles pour engager un dialogue avec les juntes sur les droits des femmes. Il s’agit d’un domaine technique qui n’entre pas dans la sphère politique des décisions quotidiennes ou des violations des droits. Les principales parties prenantes seront les parlements (Conseil national de la transition) et les ministères de tutelle plutôt que la présidence. Les changements apportés dans ce domaine ne porteront pas sur les violations immédiates, mais pourraient avoir un impact durable sur les lois, les institutions, les politiques et les pratiques qui détermineront l’avenir du pays.
5. Sécurité des femmes.
Quelles sont les mesures prises pour assurer la sécurité des femmes dans les zones de non-conflit et
fournir des services aux victimes de violence domestique?
En temps de paix, les femmes sont victimes de violences domestiques et sociétales. Dans les situations de tension et de conflit, même dans les zones non conflictuelles, la violence à l’égard des femmes augmente de manière exponentielle.
Avant les coups d’Etat, peu de services étaient offerts dans les pays de l’AES aux victimes de violences domestiques et sociétales. Dans le contexte de la transition, même les organisations de la société civile qui fournissaient ces services ont une marge de manœuvre restreinte et ont réduit les services qu’elles fournissent.
Attirer l’attention des gouvernements de l’AES sur la nécessité de renforcer les organisations de la société civile qui fournissent des services de base aux femmes survivantes peut être un moyen de fournir une protection indispensable aux femmes de ces pays et de les amener à agir pour leurs droits.
6. Associations de défense des droits des femmes.
Quelle est la situation des droits des femmes et des Associations féministes dans le cadre des transitions?
Toutes les organisations de la société civile sont particulièrement vulnérables et menacées dans les pays de l’AES. Les trois pays font preuve d’une faible tolérance à l’égard des voix dissidentes, des observateurs de l’activité gouvernementale et de l’opposition à leurs décisions. Des dirigeants de la société civile ont été menacés, arrêtés et enrôlés ces derniers mois. Les organisations de la société civile sont soupçonnées d’être des agents des agendas occidentaux.
Il est important d’assurer un soutien à court terme aux organisations de la société civile dans leur ensemble et aux organisations de défense des droits des femmes/féministes en particulier. Il est urgent de mettre en place des mécanismes de protection pour les défenseurs des droits des femmes et d’accroître la vigilance à leur égard.
Ce n’est pas seulement un point d’entrée, mais une nécessité absolue en ce moment de mettre en place des mécanismes de financement en concertation avec eux, en utilisant des moyens qui garantissent leur sécurité et leur permettent de continuer à travailler. Il est également important de leur donner les moyens de se mettre en réseau avec d’autres organisations africaines qui font un travail similaire et qui sont peut-être confrontées à des défis similaires. La défense et la promotion des droits humains fondamentaux, notamment des droits des femmes, est un élément essentiel pour l’avenir des pays de l’AES.